7 février 2021
Vème dimanche du Temps Ordinaire, année B
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche » (Mc 1,15): c’est par ces paroles solennelles que Jésus a commencé son ministère public en Galilée. Cependant, les paroles que nous trouvons dans l’Evangile d’aujourd’hui sont bien plus simples et ordinaires: la maison, la belle-mère, la fièvre, prendre par la main, se lever, servir (Mc 1,29-31)…
Il y a une disproportion entre le début solennel de l’Evangile et l’épisode d’aujourd’hui mais c’est dans cette disproportion que se trouve toute la nouveauté de l’Evangile, dans ce « se faire tout proche », que nous avons lu, il y a deux dimanches. Car le Règne s’accomplit justement dans le quotidien des rencontres et des maisons, dans les relations et les expériences de la vie les plus simples.
L’épisode d’aujourd’hui fait partie de la « journée de Capharnaüm », que l’évangéliste décrit comme une journée type de Jésus pour nous montrer ce que Jésus fait dans la vie ordinaire. Après avoir enseigné avec autorité et libéré un possédé, en faisant taire l’esprit impur qui le possédait à la synagogue, Jésus se rend à présent chez ses nouveaux amis.
La maison est le premier élément important de l’Evangile d’aujourd’hui : c’est là, dans une maison, dans un lieu « profane », non officiel, qu’à lieu la première communauté, la première église. Jésus y retournera souvent pour vivre une vie à l’écart et quotidienne, non moins importante que celle plus visible et publique. La synagogue, à cette époque, était le lieu institutionnel de rencontre de la communauté, le contexte institutionnel, décidé par les chefs du peuple et des scribes, qui eux, seront incapables d’accueillir le salut nouveau que Jésus apporte (dans Mc 3,6, nous voyons que c’est dans la synagogue que mûrit le premier refus violent lors de ces confrontations). La maison, au contraire, semble être le lieu où le salut se produit, où Jésus révèle la tonalité du Règne. A l’intérieur de la maison se trouvent des objets ordinaires qui sont importants et c’est dans ce contexte que l’on peut le rencontrer.
Et dans la maison de Simon, comme dans tant d’autres maisons, la maladie est entrée : une maladie toute aussi ordinaire, une simple fièvre, pourtant toujours synonyme de cette fragilité que partage toute l’humanité. Jésus s’approche simplement (Mc 1,31) : un jeune maître se rapproche d’une femme âgée et commence ainsi une relation remplie d’humanité et d’affection. Que peut-on faire d’autre à un malade, sinon le prendre par la main en signe d’amitié et de participation ? Et Jésus aussi ne fait rien d’autre que cela car c’est la tonalité de ce Règne que Jésus a annoncé au début de son ministère.
Ce n’est pas le seul cas où Jésus prend par la main quelqu’un : il le refera et à chaque fois, ce geste sera fortement lié à la guérison et plus encore, au fait de redonner la vie. Il en sera ainsi pour la fille de Jaïre (Mc 5,41) ou pour l’enfant épileptique qui, après l’exorcisme, « devint comme un cadavre ». Mais Jésus l’a pris par la main et l’a fait se lever (Mc 9, 26-27).
Il y a une suite, un lien qui revient entre ces deux verbes, prendre par la main et faire se lever. C’est un lien qui donne la vie, qui vainc la mort et qui fait renaître. La main de Jésus, lorsqu’elle prend la nôtre, nous relève, nous redonne la vie car pour vivre, nous avons besoin de ce simple geste de tendresse et de proximité.
Il y a également un troisième verbe important : la belle-mère de Pierre, une fois guérie se met à « servir » (Mc 1,31). Elle n’a pas seulement été guérie pour se sentir mieux mais pour que cette vie, qui lui a été restituée gratuitement, soit mise à la disposition des autres. Cela implique que la guérison – la résurrection – ne peut être « complète » que si ces deux verbes sont associés, si elle se lève pour servir : c’est seulement cela qui sera véritablement une pâque. Dans le contexte pascal, Jésus parlera justement de lui comme d’un serviteur, lorsqu’il dira ne pas être venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc 10,45).
Le passage d’aujourd’hui ne s’arrête cependant pas à la maison de Simon : le salut qui est venu dans cette maison se déplace aussi à l’extérieur, dans un autre lieu de rencontres important, la porte d’une ville (Mc 1,33). La porte est un lieu de frontière, un lieu où tous se rencontrent. Chacun y arrive avec son fardeau de souffrances et de fatigues. Nous pouvons penser que la même main que celle qui s’est posée sur l’épaule de la belle-mère de Pierre se pose aussi sur eux avec la même tendresse.
Le passage se conclut par un évènement inattendu : dans la nuit, Jésus se retire dans la solitude pour garder sa relation personnelle avec le Père, sa source de vie.
Et à ses disciples qui le cherchaient anxieux, préoccupés et soucieux de ne pas décevoir les attentes des gens (« Tout le monde te cherche ! », Mc 1, 37), Jésus ouvre des horizons encore plus vastes, les mêmes que ceux qu’il avait ouverts pour eux au moment de l’appel ; il leur propose un « ailleurs » (Mc 1,38). Celui qui veut le suivre, celui qui le cherche sait où le trouver : il le trouvera toujours « ailleurs » car Lui aura déjà laissé le lieu qui l’aura accueilli, sans en rester prisonnier, obéissant à un appel qui demande d’aller « là aussi » (Mc 1,38), en un autre lieu.
Dans cet aussi, il y a une possibilité de salut, de guérison, une main posée sur tous.